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Qu’est ce que les PFAS ?

Qu'est ce que les PFAS

PFAS : les polluants éternels que personne ne connaît (mais que tout le monde a dans le sang)

Posez la question autour de vous : "Tu connais les PFAS ?" Il y a de fortes chances que le terme ne dise rien à la majorité des gens. Pourtant, 100 % de la population française en a dans le sang. Enfants comme adultes. Vous compris.

Ces substances chimiques sont partout : dans votre poêle antiadhésive, votre imperméable, l'emballage de votre pizza à emporter, les

mousses anti-incendie des aéroports, et — surtout — dans l'eau que vous buvez. Appelés "polluants éternels" par les scientifiques, les PFAS représentent l'une des contaminations environnementales les plus graves et les plus insidieuses de notre époque.

Et le plus troublant ? Les industriels qui les ont créés savaient depuis les années 1960 qu'ils étaient toxiques. Ils ont choisi de ne rien dire.

En un coup d'œil : ce qu'il faut retenir

  • Les PFAS sont une famille de plusieurs milliers de substances chimiques synthétiques créées par l'homme
  • Découverts accidentellement en 1938, massivement commercialisés à partir des années 1950
  • Leur super-pouvoir : résistance extrême aux températures, à l'eau, à l'huile, aux taches
  • Leur malédiction : quasiment indestructibles, ils persistent des siècles voire des millénaires dans l'environnement
  • 100 % de la population française est contaminée, principalement via l'eau et l'alimentation
  • Les industriels (DuPont, 3M) ont dissimulé leur toxicité pendant plus de 50 ans

PFAS : derrière le sigle, une révolution industrielle

Le sigle se prononce "pifasse"

PFAS signifie per- and polyfluoroalkyl substances — substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées en français. C'est une famille qui regroupe entre 4 000 et 12 000 molécules différentes selon les définitions, toutes construites sur le même principe : des chaînes d'atomes de carbone auxquelles sont accrochés des atomes de fluor.

Cette liaison carbone-fluor est l'une des plus stables de la chimie organique. C'est ce qui donne aux PFAS leurs propriétés exceptionnelles. C'est aussi ce qui les rend pratiquement indestructibles.

1938 : une découverte accidentelle qui va tout changer

L'histoire commence dans les laboratoires de DuPont, géant américain de la chimie, à Wilmington dans le Delaware. Un jeune chimiste, Roy Plunkett, travaille sur des gaz réfrigérants. En avril 1938, il ouvre un cylindre de tétrafluoroéthylène (TFE) qui refuse de s'écouler. À l'intérieur : une poudre blanche cireuse qu'il n'attendait pas.

Le gaz s'est polymérisé spontanément. Cette substance inattendue présente des propriétés stupéfiantes : elle résiste à des températures supérieures à 260°C, ne se dissout dans presque aucun solvant, repousse l'eau et l'huile. C'est le polytetrafluoroéthylène, ou PTFE.

À l'époque, personne ne sait encore quoi en faire. Le PTFE reste dans un tiroir.

1940-1945 : la guerre atomique donne un usage militaire

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le projet Manhattan — le programme secret américain pour développer la bombe atomique — cherche des matériaux capables de résister à la corrosion causée par l'uranium hautement réactif.

Le PTFE se révèle idéal. DuPont le produit en secret pour l'effort de guerre. La molécule est classée confidentielle jusqu'en 1945.

1945 : DuPont commercialise le Téflon

Déclassifié après la guerre, DuPont dépose la marque Teflon® en 1949 et lance une campagne commerciale massive entre 1954 et 1960. Le Téflon envahit les cuisines américaines puis européennes : poêles antiadhésives, ustensiles, revêtements industriels.

Parallèlement, 3M (Minnesota Mining and Manufacturing Company) rachète en 1945 le "procédé Simons" — une méthode de production développée par le chimiste Joseph Simons — et commence à fabriquer du PFOA (acide perfluorooctanoïque), un autre type de PFAS. Le PFOA est utilisé comme agent de fabrication du Teflon, mais aussi dans une multitude d'autres applications.

Années 1950-1960 : l'explosion commerciale

Les PFAS connaissent un essor fulgurant. En 1953, 3M découvre accidentellement le Scotchgard, un traitement textile imperméabilisant à base de PFOS (sulfonate de perfluorooctane). Lancé en 1956, il devient un produit phare pour protéger tissus, textiles et cuirs contre l'eau et les taches.

Dans les années 1960, les mousses anti-incendie AFFF (Agent Formant un Film Flottant) apparaissent. Gorgées de PFAS, elles sont redoutablement efficaces contre les feux d'hydrocarbures. Elles deviennent la norme dans les aéroports, les bases militaires, les dépôts pétroliers.

Les PFAS se multiplient dans l'industrie : électronique, semi-conducteurs, cosmétiques, emballages alimentaires, vêtements techniques, peintures, vernis. Leur résistance chimique et thermique en fait des composants miracles.

Ce que les industriels savaient (et ont caché)

1961 : premier signal d'alarme chez DuPont

Un toxicologue travaillant pour DuPont découvre que le Téflon provoque une augmentation de la taille du foie chez les rats exposés à de faibles doses. Dans un rapport interne, il recommande de manipuler ces substances "avec une attention extrême" et d'éviter "à tout prix le contact avec la peau".

Le rapport ne sort jamais des bureaux de DuPont.

Années 1970 : les preuves s'accumulent

En 1970, des chercheurs de l'usine Washington Works de DuPont (Virginie-Occidentale) constatent que le C8 — nom interne du PFOA — est "hautement toxique par inhalation et modérément toxique par ingestion".

3M, de son côté, découvre dans les années 1970 que les PFAS s'accumulent dans le sang humain. Les propres expériences de l'entreprise sur des rats et des singes concluent que les PFAS "doivent être considérés comme toxiques".

Ces découvertes restent confidentielles. Aucune n'est transmise à l'EPA (Agence américaine de protection de l'environnement) ni aux autorités sanitaires.

1979-1981 : études sur les employés, résultats inquiétants

Des études internes montrent :

  • Une opacité des cornées chez des rats exposés aux PFAS
  • Une dégénération hépatique chez des rats nourris avec des doses élevées et faibles de PFAS
  • Des enzymes hépatiques élevées chez 61 % des ouvriers testés, signe d'inflammation et de lésions cellulaires
  • Des taux élevés de fluor (marqueur de PFAS) dans le sang des employés

En 1981, DuPont surveille secrètement des employées enceintes exposées au PFOA. Sur huit femmes ayant accouché, deux donnent naissance à des enfants présentant des malformations oculaires ou faciales. Une troisième a du PFOA dans le cordon ombilical.

L'étude est abandonnée. Les employés ne sont jamais informés.

1980 : mensonges assumés

Alors que les preuves de toxicité s'accumulent depuis près de vingt ans, DuPont et 3M assurent leurs employés dans un mémo que l'acide perfluorooctanoïque est "aussi peu toxique que le sel de table".

En 1991, après la découverte de PFAS dans des eaux souterraines près d'une usine DuPont, l'entreprise publie un communiqué affirmant que le C8 n'a "aucun effet néfaste connu sur la santé humaine aux niveaux de concentrations détectés".

1998-2001 : l'affaire éclate

Un éleveur de Virginie-Occidentale, Wilbur Tennant, constate que ses vaches meurent dans des conditions atroces après avoir bu l'eau d'un ruisseau près de son exploitation. DuPont a déversé plus de 7 100 tonnes de boues contaminées au PFOA sur un terrain voisin.

L'avocat Robert Bilott prend l'affaire. Ses investigations révèlent des milliers de documents internes prouvant que DuPont connaissait la toxicité des PFAS depuis des décennies. L'affaire aboutira en 2017 à un règlement de 670 millions de dollars pour plus de 3 500 plaignants.

Cette histoire a inspiré le film Dark Waters (2019) avec Mark Ruffalo.

Ce n'est qu'en 1998 que l'EPA découvre — par hasard — que les PFAS sont présents dans le sang de la population générale. 3M produit alors plus de 1 200 études qu'elle avait gardées secrètes.

Comment les PFAS ont envahi nos sols et nos eaux

Production industrielle massive : la source primaire

De 1950 à aujourd'hui, les usines chimiques de DuPont, 3M et d'autres fabricants ont produit des milliers de tonnes de PFAS. Ces sites sont les points chauds de la contamination.

Les rejets industriels ont contaminé les sols, les nappes phréatiques et les cours d'eau pendant des décennies. Ces sites de production sont les épicentres de la contamination, d'où les PFAS migrent progressivement vers l'ensemble du territoire.

Les mousses anti-incendie : une bombe à retardement

Les mousses AFFF, massivement utilisées depuis les années 1960, sont l'une des principales sources de contamination des sols et des eaux.

Chaque fois qu'un incendie est combattu avec ces mousses — sur les aéroports, les bases militaires, les dépôts d'hydrocarbures, les sites industriels — des quantités massives de PFAS sont déversées. Ces substances s'infiltrent dans les sols, migrent vers les nappes phréatiques, contaminent les rivières.

En France, les zones proches des aéroports, des anciennes bases militaires et des sites d'entraînement incendie sont particulièrement touchées.

Décharges et déchets : une dissémination diffuse

Les produits contenant des PFAS finissent leur vie en décharge. Emballages alimentaires, textiles imperméabilisés, moquettes traitées anti-taches, cosmétiques : tous ces objets relâchent lentement leurs PFAS dans les lixiviats (jus de décharge) qui s'écoulent vers les sols et les eaux souterraines.

Les stations d'épuration sont incapables de traiter les PFAS. Ces molécules traversent les systèmes de traitement classiques sans être dégradées et se retrouvent dans les rivières, puis dans les nappes, puis dans l'eau potable.

Agriculture : les pesticides fluorés

Certains pesticides contiennent des PFAS. Le flufénacet et le diflufénican — deux pesticides courants utilisés sur les céréales et les pommes de terre — sont des PFAS. Leur épandage direct sur les cultures contamine les sols agricoles et, par ruissellement et infiltration, les eaux de surface et souterraines.

En Allemagne, ces molécules ont été retrouvées partout : dans l'eau du robinet comme dans les nappes phréatiques. En France, elles ne sont pas encore systématiquement recherchées.

La persistance : le facteur aggravant

Les PFAS ne se dégradent pas. Ou si peu. Leur demi-vie — le temps nécessaire pour qu'ils se réduisent de moitié — se compte en années, en décennies, voire en siècles selon les molécules.

Une fois dans l'environnement, ils y restent. Ils voyagent sur des milliers de kilomètres, portés par les courants d'eau, les vents, les pluies. On en retrouve dans l'Arctique, au sommet de l'Himalaya, dans les fonds océaniques.

C'est pourquoi on les appelle "polluants éternels". Chaque gramme de PFAS produit depuis 1950 est potentiellement encore présent quelque part sur Terre.

Contamination généralisée en France

Les eaux : une pollution diffuse mais mesurable

Depuis 2024, le ministère de l'Écologie publie une carte nationale de la contamination des eaux par les PFAS. Les données montrent :

  • Une contamination générale faible mais omniprésente des eaux souterraines
  • Des contaminations plus marquées dans certaines régions : Limagne, Alsace, vallée du Rhône, Nord, vallée de la Seine, Meuse, Moselle, Bretagne, Côte méditerranéenne
  • 39 points de prélèvement d'eau potable dépassent le seuil maximal autorisé (au 6 août 2025)

Les normes européennes, entrées en vigueur en France en janvier 2023, fixent des limites strictes : 0,10 µg/L pour la somme de 20 PFAS prioritaires, et 0,50 µg/L pour le total des PFAS mesurables.

À partir de janvier 2026, la recherche de PFAS sera obligatoire dans le contrôle sanitaire de toutes les eaux destinées à la consommation humaine.

Les sols : un angle mort en cours d'exploration

Il n'existe aujourd'hui aucune réglementation européenne ni française sur les PFAS dans les sols. Aucune norme de qualité n'est définie. Les données sont rares, en partie parce que les dispositifs de surveillance n'existaient pas.

Pourtant, les sols sont un réservoir majeur de PFAS, surtout à proximité des sites industriels, des décharges, des zones agricoles utilisant des pesticides fluorés, et des lieux où des mousses anti-incendie ont été utilisées.

Bioaccumulation : de l'eau à notre assiette

Les PFAS ne se contentent pas de rester dans l'eau et les sols. Ils s'accumulent dans les organismes vivants : plantes, poissons, mollusques, crustacés, viandes, œufs.

Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), les produits de la mer, les œufs et les viandes sont les aliments qui contribuent le plus à l'exposition humaine au PFOS et au PFOA.

L'étude Esteban (2014-2016) menée par Santé publique France a détecté des PFAS dans 100 % des échantillons de sang prélevés sur 249 enfants et 744 adultes. Le PFOA et le PFOS sont présents chez absolument tout le monde.

Ce qu'il faut retenir

Les PFAS sont le résultat d'une innovation industrielle devenue catastrophe sanitaire et environnementale. Créés pour leurs propriétés exceptionnelles, massivement commercialisés pendant des décennies, ils ont contaminé la planète entière.

Le plus troublant n'est pas leur omniprésence. C'est que les industriels qui les ont créés savaient depuis les années 1960 qu'ils étaient toxiques — et ont choisi de dissimuler cette information pendant plus de cinquante ans.

Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir si nous sommes exposés aux PFAS. Nous le sommes tous. La question est : comment réduire cette exposition, et comment éliminer ces substances de notre eau et de notre alimentation ?


Dans les prochains articles, on vous expliquera :

  • Les impacts santé des PFAS : que dit vraiment la science ?
  • Comment les PFAS se retrouvent dans l'eau du robinet en France
  • Les solutions de filtration qui fonctionnent (et celles qui ne servent à rien)

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